Le théâtre des charmes recevait deux compagnies pour une résidence d’écriture d’une semaine.

Les compagnies « l’Estaminet Rouge » et « la Dissidente » étaient en résidence au théâtre des charmes pour préparer les spectacles « Les tritons prennent l’avion » et le monologue « Le cauchemar du préfet« . Les deux évoquant le dossier polémique de l’aéroport de Notre-Dame-des-Landes. A l’origine du projet : Patrick Grégoire.

Patrick Grégoire est auteur de théâtre social , et de la pièce Métallos et Dégraisseurs, texte écrit à partir de quarante heures d’interviews recueillies par Raphaël Thierry, un homme dont une grande partie de la famille a travaillé à l’usine de Sainte-Colombe-sur-Seine (Côte-d’Or). Cette pièce a été jouée à plusieurs reprises dans le cadre du festival d’Avignon. (https://www.francebleu.fr/infos/societe/ventoux-et-tour-de-france-au-festival-d-avignon-1468424270). Accompagné par l’ancien président du groupe écologiste, Jean-Phillipe Magnen, qui n’a pas souhaité se présenter à sa succession, (http://france3-regions.francetvinfo.fr/pays-de-la-loire/2014/09/30/jean-philippe-magnen-le-vice-president-eelv-la-region-pays-de-la-la-loire-raccroche-561324.html), le duo avait à coeur ce sujet sociétal.

La naissance du projet

Jean-Philippe Magnen et Patrick Grégoire se connaissent depuis de nombreuses années. Avant d’arriver à Nantes, le premier s’occupait d’une association d’insertion et formation, à Dijon. L’homme de théâtre y animait des ateliers. Ils sont devenus amis. Lors de la campagne 2010 des élections régionales, la liste conduite par Jean-Philippe Magnen accueille Métallos et Dégraisseurs, de Patrick Grégoire ; une pièce qui sera présentée une seconde fois sur le site des anciens chantiers navals nantais.

À l’été 2013, juste après le festival d’Avignon où était jouer Métallos et Dégraisseurs, ils commencent à tourner autour du thème Notre-Dame-des-Landes. Mais Jean-Philippe Magnen est pris par son action politique, son implication dans le débat public. Peu de temps à consacrer à l’art théâtral et à l’écriture. La vie politique accaparait l’emploi du temps de l’élu. Mais une carrière est faite de bouleversements : l’annonce, par le président du groupe écologiste à la Région, qu’il ne briguera pas de nouveau mandat. « C’est le moment. » . Sur place, les deux hommes ont recueilli trente heures d’interview. Agriculteurs, citoyens, naturalistes, juristes, pilotes d’avion, beaucoup de profils différents. Mais Patrick Grégoire s’en réjoui : « La diversité des oppositions et leur capacité à travailler ensemble. m’a donné du baume au coeur.« . Après avoir longuement échangé avec les différents opposants au projet, l’écriture de la pièce était une évidence.
« D’un coté on a la crétinerie individuelle, de l’autre l’intelligence collective. C’est très intéressant à rencontrer« . L’écriture d’un sujet d’actualité est une chose difficile, le manque de distance face à un événement encore bouillant ne facilite pas les choses. A l’inverse de Métallos et Dégraisseurs, où Patrick Grégoire a pu reporter les faits, ici, un travail de fiction a dû être réalisé.

Ainsi naquit la pièce de théâtre « Les tritons prennent l’avion » et le monologue « Le cauchemar du préfet« .

« Les tritons prennent l’avion »

Dans cette pièce, Patrick Grégoire imagine l’évacuation de la zone des opposants ordonnée par un préfet qui ignore que sa fille fait partie de ce groupe. « Elle lui ordonne d’arrêter, en le menaçant de le dénoncer pour quelque chose qu’elle invente ». Cette pièce sera jouée en Novembre 2017 à Dieppe.

« Le cauchemar du préfet »

Dans ce monologue, Patrick Grégoire reprend la même situation que dans « les tritons prennent l’avion », c’est à dire l’évacuation par le préfet de la zone, mais à la différence où sa fille se fait passer pour le PDG de Vinci et demande à son père d’arrêter l’évacuation. Les dialogues sont émaillés des échanges avec les opposants. Ce monologue sera joué au théâtre des charmes en Novembre 2017.

Outre Patrick Grégoire, le théâtre des charmes a reçu les comédiens des 2 troupes.

Raphaël Thiery

Originaire de Côte d’Or, ce comédien atypique et puissant, est issu du monde du théâtre et de la musique bourguignonnes depuis une quinzaine d’années. Il a été remarqué dans le film « Rester Vertical« , le cinquième film d’Alain Guiraudie, en sélection officielle du festival de Cannes de 2016. Il avouera avant de gravir les célèbres marches au tapis rouge du festival « Bien sûr que je connais Cannes par ce que j’en ai vu à la télévision. Mais imaginer qu’on va se retrouver là toute l’équipe, c’est impressionnant ! ». Il n’en est pas à sa première collaboration avec Patrick Grégoire. En effet, il a participé à la collecte des interviews des ouvriers pour la pièce « Métallos et Dégraisseurs », pièce dans laquelle il a joué de 2010 à 2015. Son seul en scène « Ecoute donc voir » (2012/2015) et la pièce Les forçats de la route, tous deux écrits par Patrick Grégoire ont été des succès critiques et publics.

Marie-Hélène Garnier

Formé par Michel Bézu et Catherine Delattres au théâtre des deux rives à Rouen, elle commence sa carrière avec Agnès Jaoui, Olivier Saladin et Ariane Mnouchkine. Depuis 2008, elle dirige la compagnie « La dissidente ». Ce nom n’a pas été choisi au hasard par la comédienne ; en véritable électron libre, son travail se fait en toute indépendance. Elle jongle entre le poétique et le politique tout en marchant sur la fine lame qui sépare la réalité et la fiction.

Comme tout électron qui se rapproche des noyaux atomiques, elle cherche à amener le théâtre au plus près du cœur des spectateurs. Actrice dynamique de la scène théâtrale rouennaise, elle met en scène la vie des gens autour d’un « théâtre documentaire » qu’elle revendique. Après des entrevues, Marie-Hélène Garnier extrait des moments de vies cocasses, émouvant ou dramatique mais qui ne sont ni voyeurs ni de l’ordre de la confession mais de l’ordre de la réciprocité de pensée.

Lisa Peyron

Cette comédienne, qui a débuté par le théâtre de rue, a intégré l’académie d’art dramatique et comédie musicale. Elle y apprend la comédie, le chant mais également la mise en scène et les métiers plus techniques comme la mise en lumière ou la création des décors. Depuis 2011, elle travaille avec la compagnie du Chat foin, sous la direction de Yann Dacosta. Elle joue également dans de multiples pièces comme le jeu de l’amour et du hasard de Marivaux, sous la direction de Catherine Delattres.

  • 2014 . L’étourdi, Molière, m.e.s Catherine Delattres ( Cie Catherine Delattres )
  • 2014 . Les parents terribles, J. Cocteau, m.e.s Catherine Delattres ( Cie Catherine Delattres )
  • 2013 . Les larmes amères de Petra Van Kant, R.W. Fassbinder, m.e.s Yann Dacosta ( LeChatFoin Cie )
  • 2012 . Le jeu de l’amour et du hasard, Marivaux, m.e.s Catherine Delattres ( Cie Catherine Delattres )
  • 2011 . Le village en flammes, R.W. Fassbinder, m.e.s Yann Dacosta ( LeChatFoin Cie, festival Automne en
    Normandie )
  • 2011. La dame de chez Maxim, G. Feydeau, m.e.s Bernard Rozet (l’Equipe Rozet, Biennale du fort de Bron)

La rencontre avec l’option théâtre

Les deux compagnies théâtrales ont rencontré les élèves de secondes, premières et terminales option théâtre du lycée Anguier de la ville d’Eu. Durant l’après-midi, les comédiens et lycéens ont échangé sur le processus d’écriture de leurs pièces.

D’un coté les auteurs ont décrit la méthode d’écriture assez atypique d’une pièce et d’un monologue qui s’appuient sur des témoignages. La difficulté de remonter les intentions de chacun et d’apporter une part équitable dans le discours.

De l’autre,  les lycéens ont également interrogé les artistes sur le risque politique et la façon dont la pièce pourrait être perçue par les détracteurs et les supporteurs du projet d’aéroport.